L'info-cadre vol.1 no. 3
 

Autres chroniques
de
Me Danielle Anctil

Conjoints de fait : ce n'est pas comme si vous étiez mariés! (partie 1), L'info-cadre, volume 1, numéro 1

Conjoints de fait : ce n'est pas comme si vous étiez mariés! (partie 2), L'info-cadre, volume 1, numéro 2

 

 

 





Conjoints de fait : ce n’est pas comme si vous étiez mariés !
( partie 3 )



Me Danielle Anctil, avocate
Laplante & Associés, section civile



De plus en plus, les tribunaux permettent aux conjoints de fait d'intenter avec un certain succès, un recours pour enrichissement injustifié contre leur ex. Il s'agit d'un recours qui existait déjà et qui se retrouve sous les articles 1493 et suivants du Code civil du Québec. Il prévoit que " celui qui s'enrichit aux dépens d'autrui doit, jusqu'à concurrence de son enrichissement, indemniser ce dernier de son appauvrissement corrélatif s'il n'existe aucune justification à l'enrichissement ou à l'appauvrissement".

Ainsi, peut-être le corbeau aurait-il pu poursuivre le renard pour le fromage qu'il avait laissé tomber. Mais entre conjoints de fait, les choses sont rarement aussi simples, et celui qui veut faire reconnaître que son ex s'est enrichi à ses dépens a un lourd fardeau de preuve à surmonter. En effet, le seul fait qu'au moment de la séparation, les ex-conjoints ne sont pas dans la même situation financière, et ne partagent pas moitié-moitié la totalité des biens qu'ils ont acquis de part et d'autre, n'entraîne pas automatiquement l'ouverture de ce recours. Encore faut-il démontrer qu'entre le début et la fin de la vie commune, l'un s'est appauvri et l'autre s'est enrichi et qu'il y a un lien  entre les deux.

La conjointe qui s'est occupée des enfants pendant que monsieur travaillait et accumulait maison, réer et fonds de pension, ou celle qui payait à même ses revenus les dépenses de consommation  ( telles l'épicerie, les vêtement, la garderie etc ) pendant que le futur ex payait l'hypothèque, les taxes, ses réers, accumulant ainsi des actifs  ou enfin celle qui a travaillé sans rémunération pour le commerce ou l'entreprise de l'ex,  se sont toutes appauvries et ont toutes enrichi leur ex, qui pour obtenir un travail équivalent aurait dû débourser des sous. Cependant, celle qui comme la cigale a chanté tout l'été et a préféré tout dépenser, ne pourra vraisemblablement pas réussir un tel recours contre son ex la fourmi, qui lui, a préféré " engranger" pour l'hiver en mettant son argent dans des biens durables, tels des épargnes, des immeubles, des RÉERs plutôt que sur des vêtements griffés, un voyage à Cuba et des gadjets électroniques à la mode.

De plus, jamais ce recours ne sert à rééquilibrer ou à partager les avoirs des conjoints, car d'aucune façon les tribunaux ne doivent imposer aux conjoints de fait un régime matrimonial qu'ils n'ont pas choisi en décidant délibérément de ne pas se marier. Il serait en effet injuste qu'un conjoint se retrouve avec les mêmes conséquences légales que s'il s'était marié, puisqu'il a précisément choisi de ne pas le faire ! (avec les avantages et les inconvénients que cela peut entraîner…) Donc, ce n'est pas la moitié de ses avoirs que vous pouvez réclamer et obtenir, mais uniquement la valeur de ce que vous lui avez permis de s'enrichir par vos gestes ou la valeur de ce que vous vous êtes appauvrie. ( par ex. la réclamation pourrait être égale au salaire que vous auriez dû gagner en faisant  la comptabilité de sa compagnie, 5 heures par semaine, pendant 3 ans : soit 5hrs à 9,00$ X 52 semaines X 3 ans : 7020$, et non 125 000$ représentant la moitié de la valeur de son entreprise !!!)

Conséquemment,  bien que ce recours ait un certain succès, et est souvent le seul qu'un conjoint puisse utiliser contre son ex pour faire valoir ses droits, les sommes accordées demeurent tout de même modestes, en comparaison de la valeur des biens parfois accumulés par l'ex, mais valent parfois la peine de faire valoir ses droits.

Enfin il est très difficile, voire impossible, d'intenter ce genre de recours contre la succession lors du décès du conjoint et ce, même si les conjoints faisaient encore vie commune au moment du décès. D'où l'importance, comme nous vous l'avons déjà souligné, de prévoir des ententes écrites entre conjoints de fait,  ententes par lesquelles vous reconnaîtrez entre autres, la propriété des biens de chacun et les modalités de partage en cas de séparation ou de décès. Un testament et un mandat d'inaptitude, préférablement préparés par un notaire ( comme l'entente écrite, quoiqu'une entente convenue entre vous seulement vaut mieux que pas d'entente du tout !) peuvent également vous épargnez bien des soucis ( et des honoraires d'avocats…..)

10 mai 2004